mardi 24 juillet 2018

Cygne

Un cygne avance sur l'eau
tout entouré de lui-même
comme un glissant tableau ;

Ainsi à certains instants
un être que l'on aime
est tout un espace mouvant.

Il se rapproche doublé
comme ce cygne qui nage,
sur notre âme troublée...
qui à cet être ajoute
la tremblante image
de bonheur et de doute.

Rainer Maria Rilke
«n°40», Vergers, 1926

samedi 14 juillet 2018

Les jonquilles

"Je me baladais seul tel un nuage

Flottant très haut par-delà vaux et monts,

Quand tout à coup je vis une foule,

Toute une profusion de jonquilles d'or ;

A côté du lac, en dessous des arbres.

Elles voletaient et dansaient dans la brise.

 

Drues comme les étoiles qui brillent

Et scintillent sur la Voie lactée,

Elles s'étendaient sur une ligne sans fin

Tout le long de la rive d'une baie :

J'en ai vu dix mille d'un seul coup d'œil,

Secouant leur tête dans une danse allègre.

 

Les vagues derrières elles dansaient; mais elles

Dépassaient d'exultation les vagues étincelantes :

Un poète ne pouvait être que gai,

En si jubilatoire compagnie :

Je contemplais encore et encore, mais pensai peu

A tout le trésor que cette vue m'apporta:

 

Car souvent, lorsque je suis sur mon divan

L'esprit vacant ou pensif,

Elles illuminent d'un éclair cet œil intérieur

Qui est le parfait bonheur de la solitude ;

Et mon cœur s'emplit alors de plaisir,

Et se met à danser avec les jonquilles".

 

William Wordsworth

"Les Jonquilles", Poèmes, 1815

Traduction d'Hadrien France-Lanord.

For oft, when on my couch I lie
In vacant or in pensive mood,
They flash upon that inward eye
Which is the bliss of solitude;
And then my heart with pleasure fills,
And dances with the daffodils.

I wandered lonely as a cloud
That floats on high o’er vales and hills,
When all at once I saw a crowd,
A host, of golden daffodils;
Beside the lake, beneath the trees,
Fluttering and dancing in the breeze.

Continuous as the stars that shine
And twinkle on the milky way,
They stretched in never-ending line
Along the margin of a bay:
Ten thousand saw I at a glance,
Tossing their heads in sprightly dance.

The waves beside them danced, but they
Out-did the sparkling leaves in glee;
A poet could not be but gay,
In such a jocund company!
I gazed—and gazed—but little thought
What wealth the show to me had brought:

For oft, when on my couch I lie
In vacant or in pensive mood,
They flash upon that inward eye
Which is the bliss of solitude;
And then my heart with pleasure fills,
And dances with the daffodils.

Daffodils – a poem by William Wordsworth (1770-1850)


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